D'un air satisfait, Antonin Dolohov, directeur de l'école de sorcellerie de Poudlard, venait de s'asseoir dans le fauteuil de son bureau. La pièce était à l'image du maître des lieux - froide, peu conviviale, hostile. Fini, la chaleur rassurante du feu crépitant dans le foyer, fini, les portraits bienveillants des anciens directeurs de l'école accrochés au mur. Désormais, on avait choisi la sobriété et l'inflexibilité. Dolohov esquissa un petit sourire à cette constatation. Oui, beaucoup avait changé depuis qu'il avait pris la direction de l'école, à la mort de Slughorn, et à vrai dire, il s'en réjouissait. Il dirigeait l'établissement d'une main de fer, privilégiant une discipline rigoureuse à la douceur venimeuse de son prédécesseur. C'était un nouvel ordre à l'image du nouveau monde dans lequel ils vivaient, et tout cela ne pouvait que l'enchanter. Cerise sur le gâteau, le matin-même, Dolohov avait appris à la première page de la Gazette des Sorciers qu'Orion Ombrage, neveu de la défunte ancienne Ministre de la Magie, avait pris le pouvoir. Tout allait pour le mieux. Les choses se stabilisaient enfin, après plusieurs années de confusion politique. On était loin du chaos qui avait accompagné la fin du siècle précédent. Désormais, il n'y avait plus de place pour les mensonges, les protestations, les secrets, le désordre. Le Ministère contrôlait le moindre aspect de la vie des sorciers. Et il s'appliquait à la rendre meilleure. Vingt-huit ans auparavant, après la bataille de Poudlard et la mort de Harry Potter et Lord Voldemort, on avait commencé par exterminer les sangs-de-bourbe encore en vie, avant d'exiler les traîtres à leur sang. Puis, par de nouvelles réformes, on avait purement et simplement interdit tout contact entre sorciers et moldus. Après tout, c'est cela qui avait entraîné l'anarchie ; en mêlant les deux races, on avait plongé le monde dans un abîme sans fond, régi par des faux-semblants et des incohérences. Les deux races ne pouvaient cohabiter. Heureusement, on avait désormais trouvé la solution - une barrière pure et simple. Le moindre rapport liant un moldu à un sorcier entraînait une sanction exemplaire. C'était le prix à payer pour s'affranchir des erreurs du passé : les pertes liées à la guerre avaient été bien trop lourdes. En résultait un monde pacifié et utopique, et avec l'investiture d'Orion Ombrage, Dolohov était assuré de rester pendant un très long moment à la tête de Poudlard, formant des dizaines de têtes vides, creuses, toutes dévouées à un système dictatorial dont elles n'avaient même pas idée. Le directeur ricana avant de se pencher sur le dossier qui l'attendait. Oui, son école avait encore de bien belles années à vivre.